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Ménélis vivait dans le village de Solyma, un lie

Author:unloginuser Time:2024/10/26 Read: 1573

Ménélis vivait dans le village de Solyma, un lieu figé dans des nuances de blanc, de gris et de noir. Les maisons, vétustes et sinistres, se dressaient tel des mausolées silencieux. Leurs murs décrépits, marqués par le temps et l’abandon, reflétaient une désolation omniprésente. Les toits, en partie effondrés, étaient recouverts de tuiles brisées qui semblaient sur le point de s’effondrer à chaque instant. Les fenêtres, brisées et opaques, laissaient filtrer une lumière morne, insuffisante pour chasser les ombres qui s’accrochaient aux coins sombres. Une atmosphère lugubre enveloppait chaque recoin du village, comme une brume intangible mais palpable.

Les rues pavées, bordées de pierres noircies par les intempéries, résonnaient parfois du bruit des pas fatigués des villageois. Ils se déplaçaient comme des fantômes, leurs visages marqués par la fatigue et la résignation, figés dans une expression de désespoir silencieux. Leurs vêtements, délavés et usés, pendaient sur leurs corps maigres comme des haillons. Ils accomplissaient leurs tâches quotidiennes de manière mécanique, sans aucune joie ni passion, comme s’ils étaient prisonniers d’un cycle éternel de survie.

Autour du village, une forêt sombre et impénétrable se dressait telle une muraille naturelle, dont les profondeurs restent inexplorées, comme un mystère que personne n’ose déchiffrer. Les rares sons étaient ceux du vent qui s’engouffrait dans les ruelles désertes et le craquement sinistre des planchers des maisons abandonnées. Les arbres, hauts et menaçants, avaient des troncs noirs comme l’ébène, et leurs branches torturées semblaient former des griffes prêtes à s’animer et saisir quiconque osait s’aventurer sous leur couvert funeste. Des murmures et des chuchotements, suivi de cris aiguë en pleine torture, semblaient émaner de la forêt, des voix mystérieuses dont on ignorer qui en était l’auteur.

Dans cet univers cauchemardesque, se dresse au-dessus de ce paysage le Soleil, surnommé Scorchbane. Il est une entité de terreur. Entièrement noir, il présente un visage humain grotesquement étiré, ses traits déformés en une parodie hideuse de la réalité. Ses yeux, d’un blanc aveuglant, brillent d’une intensité surnaturelle, contrastant violemment avec son visage sombre. Son sourire carnassier, large et effrayant, dévoile des dents acérées, semblables à celles d’un prédateur. Ses rayons semblent vibrer et pulser, comme des tentacules noirs cherchant à saisir et consumer tout sur leur passage. Lorsqu’il brille, le Soleil emplit le ciel d’une lumière oppressante, presque agressive. L’air devient lourd et brûlant sous son influence, et des rires sinistres résonnent parfois, faisant frissonner ceux qui les entendent. Les habitants du village craignent ce regard omniprésent et évitent de lever les yeux vers lui, car croiser son regard peut signifier la perte de la raison.

La nuit, la Lune, surnommée Noktuk, prend le relais avec son visage humain. Sa surface est pâle et cicatrisée, illuminée par une lueur argentée. Ses yeux, grands et profondément noirs, évoquent un vide terrifiant. Son sourire figé, large et statique, est une grimace de moquerie glaciale. Ce sourire semble éternel, une expression de dérision qui ne change jamais. La Lune éclaire le monde d’une lumière froide et spectrale. Son sourire immobile inspire une peur sourde et constante, et les ombres qu’elle projette semblent danser d’elles-mêmes, formant des figures inquiétantes et distordues. Des murmures glaciaux accompagnent sa lumière, des voix chuchotant des secrets interdits et des histoires de folie. Ménélis et les autres villageois vivent constamment sous cette menace céleste qui les surplombe, pris au piège entre un jour brûlant de terreur et une nuit glaciale de frayeur.

Les habitants de Solyma, figés dans leur morosité, se déplacent comme des fantômes, accomplissant leurs tâches quotidiennes de manière mécanique. Leurs visages, creusés par le désespoir et la résignation, ne trahissent aucun éclat de joie ou de passion. Ménélis les observe souvent et ressent une profonde tristesse face à leur existence sans vie. Elle, pourtant, brille dans cette obscurité comme un point d’étrangeté. Toujours souriante et pleine d’entrain, elle est une anomalie dans un monde uniformément gris. Ses rires clairs et ses concerts improvisés résonnent dans les rues désertes, comme des éclats de lumière dans une mer sombre et visqueuse. Elle essaie de les approcher, de leur parler, de se lier d’amitié avec les autres enfants. Mais elle ne reçoit que de l’indifférence, du mépris, ou de la peur de la part de nombreux villageois. Les villageois la perçoivent comme une intrusion dans leur quotidien monotone, un rayon de soleil en tout point identique à Scorchbane qui les irradient et les consument lorsqu’il s’approche de trop près. Plus qu’une lueur d’espoir, elle n’est pour eux qu’une menace permanente qui pourrait les conduire à leur perte. Bien que certains souhaiteraient lui témoigner une once d’affection, ils redoutent les conséquences qui découleraient de cette tentative vaine de combler les désirs de cette enfant bien trop différente d’eux, désormais seule au monde, sans attache ni famille. Certains villageois, comme son meilleur ami Rozar, semblent sensibles à la solitude de Ménélis, mais ils ne peuvent rien faire de plus qu’être près d’elle, face à leur propre situation déjà bien à pleindre et désespérée. Elle se demande pourquoi tout est si ennuyeux et rêve d’un monde plein de couleurs.

Cette marginalisation n’affecte pas seulement la perception des autres sur Ménélis, mais aussi son propre état psychologique. Sous sa façade de joie et d’énergie, elle cache une peur profonde : celle de perdre son éclat intérieur et de succomber à la morosité omniprésente. Son violon devient alors son refuge, l’instrument à travers lequel elle exprime la mélancolie et la tristesse que son monde lui impose. La musique qu’elle joue, bien que mélodieuse, est empreinte d’une profonde tristesse, chaque note semblant pleurer l’absence de couleurs et d’émotions qu’elle aspire à retrouver.

Nichée à l’écart, légèrement surélevée sur une colline, une maison offrait une vue sinistre sur le village et la forêt, ainsi que sur un grand château oppressant où rôdait une nuée de corbeaux, visible de part et d’autre du village. À l’intérieur, les murs étaient ornés de toiles anciennes, des souvenirs d’un passé oublié, représentant des paysages colorés et des scènes de bonheur révolu. La maison de Ménélis, malgré son aspect usé, était un havre de chaleur relative. Sa mère, bien que silencieuse et distante, exprime une affection discrète à travers des gestes tendres et des attentions furtives. Ménélis ressentait un lien particulier avec sa mère, qui lui racontait chaque jour des histoires d’un passé coloré, des moments pleins de rêve avec son ami où toutes deux pratiquaient ce pourquoi elles étaient si douées. L’une jouait du violon et l’autre peignait sur des toiles blanches des paysages éblouissants, des portraits pleins de vie, toujours marqués d’un grand sourire.

Les soirs, lorsque l’obscurité s’installait et que le visage sinistre de la Lune dominait le ciel, Ménélis aimait s’asseoir près de la fenêtre avec son violon. Les rideaux lourds et poussiéreux encadraient une vue sur les ténèbres extérieures, et la lueur argentée de la Lune projetait des ombres dansantes sur les murs de sa chambre. Elle jouait des mélodies empreintes de mélancolie et d’une extrême tristesse, car les couleurs étaient quelque chose qui l’obsédait et qu’elle désirait plus que tout en ce monde. Sa musique reflétait son désir insatiable pour un monde vibrant de vie et de couleurs. Au début, elle jouait des morceaux conformistes, influencée par sa mère qui lui montrait et lui disait comment agir, par peur d’éveiller la curiosité des monstres aux aguets. Des monstres terrifiants à la solde d’une terreur bien plus grande qui pesait sur tout le village et ses habitants. Sa mère était le catalyseur de l’insouciance et de la témérité de Ménélis.

À la mort de sa mère, le monde de Ménélis bascula. La maison autrefois empreinte d’une chaleur discrète devint une maison silencieuse abritant des souvenirs douloureusement doux. Les histoires de couleurs et de bonheur se transformèrent en échos amers de ce qui ne serait plus jamais. Sa musique et ses actions devinrent plus provocantes, en réponse au chagrin, remplies à la fois de joie, mais aussi de tristesse. On percevait alors Ménélis comme une sorte d’enfant éplorée, libérée des avertissements et des contraintes de sa mère. Elle se permetait d’explorer des émotions plus brutes et complexes. Elle désobéissait aux ordres de sa mère, et commençait à s’exprimer et montrer ses émotions avec beaucoup trop d’audace, semblant rire de la menace qui planait constamment sur son village. La perte était bien présente et lui faisait si mal qu’elle se mettait à jouer de son violon de manière frénétique, comme possédé par un démon qui lui aurait dévoré son âme. Sa mère, bien vivante dans ses souvenirs, était la seule à l’encourager dans ses expressions artistiques, tout en lui apprenant comment dissimuler les émotions qui s’en dégagées. Cependant, la perte de cette figure protectrice laisse Ménélis dans un état de vulnérabilité, sa musique devenant une arme à double tranchant, oscillant entre moments de joie fugaces et éclats de colère ( c’est dans ces moments-là que le soleil semblait se réjouir de son malheur et que la Lune semblait se juger et se moquer de sa tristesse). C’est là que son pouvoir se révéla à elle : le Miracle des Prodiges.

L’origine des pouvoirs de Ménélis provenait de son l’obsession pour les couleurs, sans cela à ses yeux, ce monde n’a que peu de sens “ une forme de nihilisme”. En tant que violoniste, elle exprimait ses émotions à travers la musique. Son violon était un moyen de canaliser et d’amplifier ces émotions, transformant ses larmes en armes. Cela soulignait le pouvoir de l’art à exprimer et à transcender les émotions humaines, en les transformant en forces tangibles et puissantes. Ses yeux lui permettaient de percevoir les vraies émotions et intentions des autres, décelant ainsi les faux-semblants et la superficialité. Elle pouvait voir la vérité cachée derrière les visages figés et les regards vides des villageois.

Au fil du temps, elle apprit à maîtriser ses émotions et à les canaliser de manière plus ciblée. Elle développe une compréhension profonde de l’interconnexion entre ses émotions, son art et ses pouvoirs. Cela nécessitait une discipline émotionnelle et artistique rigoureuse. En fonction de la situation, elle choisissait la mélodie appropriée pour transformer son violon en l’arme nécessaire. Cela permettait une diversité dans son approche au combat, en utilisant les armes les plus adaptées aux défis qu’elle rencontrait. Surtout lorsqu’elle se battait contre les monstres qui rôdaient près du village aussi bien la nuit que le jour.

Les larmes de Ménélis portaient une symbolique profonde. Elles représentaient l’expression de la véritable émotion, dans un monde qui réprimait souvent l’expression des sentiments. Les larmes de tristesse se transformaient en une épée élégante mais tranchante, symbolisant la douleur poignante qu’elle ressentait. Les larmes de colère devenaient une masse lourde et imposante, représentant la force brute de sa colère. Les larmes de joie se transformaient en une lance légère et brillante, représentant la vivacité et la lumière de sa joie. Les larmes d’amour se transformaient en un arc avec des flèches lumineuses, symbolisant la direction et la force de ses sentiments.

Elles illustrent la force et la vulnérabilité, montrant que même les larmes, souvent perçues comme un signe de faiblesse, peuvent devenir des armes puissantes. Elles symbolisent la résilience et l’espoir, chaque larme représentant une émotion surmontée et transformée en force. Elles montraient que l’art était une expression directe de l’âme, un moyen de canaliser et de transformer les émotions.

Ménélis aspirait à retrouver les couleurs du monde et à redonner espoir aux villageois. Son rêve ultime était de composer une symphonie qui ramènerait les émotions et les couleurs perdues. Elle voulait créer une œuvre d’art qui transcenderait la douleur et la tristesse, une mélodie qui guérirait les cœurs et restaurerait la beauté du monde (en terminant une partition que sa mère avait commencée et qui devient un prolongement du lien qui l’unit à sa mère ). Elle espérait réconcilier son village avec ses émotions, montrant que même la douleur pouvait être transformée en quelque chose de beau et de puissant. Son parcours était autant une quête intérieure qu’extérieure, un voyage pour découvrir la profondeur de ses propres émotions et la force cachée en elle.

Un jour, alors qu’elle se promenait à la lisière de la forêt interdite, un endroit que sa mère lui avait strictement interdit d’approcher, elle rencontra une entité singulière qui allait changer sa vie morne à jamais.

Le ciel était d’un drap de plomb, et l’air autour de Ménélis semblait lourde de désespoir et de morosité. Le cimetière qui se déployait devant elle, était un vaste recueil de pierres tombales usées par le temps, enveloppé dans une brume glauque.
Mais Ménélis semblait se concentrer sur une tombe en particulier : celle de sa mère décédé. Contrairement aux autres pierres tombales usées par le temps et recouvertes de mousse, cette tombe est un havre de soin et de respect. L’édifice est orné de lys araignée, dont les pétales, maintenant d’un blanc pur et frais, contrastent violemment avec la grisaille environnante. Ces fleurs, autrefois rouges et vives, ont été entretenues avec une dévotion remarquable, leurs formes délicates se déployant comme des étoiles blanches dans la morosité du cimetière.

Le lys araignée est une fleur aux pétales fins et allongés, formant des motifs élégants et épineux qui ressemblent à des araignées délicates en suspension. Le blanc éclatant de ces fleurs, en dépit de l’atmosphère sombre qui règne, dégage une aura de fraîcheur et de pureté. Elles se balancent doucement au gré du vent morne, créant des éclats de lumière dans le paysage monochrome, comme des fragments de beauté dans un monde en décomposition.

Le contraste entre la tombe soignée et l’état négligé du reste du cimetière est frappant. Tandis que les autres pierres tombales sont couvertes de mousse et de débris, la tombe de la mère de Ménélis est nette, une île de décence dans une mer de délabrement. Les lys araignée, florissant dans leur blanc immaculé, semblent presque vivants, comme une touche d’espoir et de tendresse dans cet univers désolé.

Ménélis, assise à côté de cette tombe, joue son violon avec une douceur empreinte de mélancolie. Les notes flottent autour des lys, se mêlant à la beauté fragile des fleurs. Chaque vibration de son instrument semble un hommage à sa mère, une tentative de garder vivante la mémoire de cette femme qui avait aimé et pris soin d’elle dans un monde devenu hostile et morose. Les pétales blancs, frais et impeccables, capturent la lumière morne, reflétant un éclat pur dans l’obscurité ambiante.

Tout à coup, un éclat de couleur tranche la grisaille : un papillon cramoisi, incandescent et vif, surgit comme une flamme dans l’obscurité. Ses ailes déploient un rouge éclatant, ornées de motifs complexes semblables à des yeux éveillés, scrutant le monde avec une curiosité malveillante. Le papillon danse dans l’air stagnant, ses mouvements hypnotiques et sinistres comme une lueur d’espoir tordue dans une mer de désespoir. La lumière rouge de ses ailes projette des éclairs d’ombres mouvantes sur le sol gris, créant des motifs pulsants qui semblent presque vivants.

Ce papillon, aux ailes étincelantes d’un rouge incandescent, semblait dessiner des arabesques de lumière dans l’obscurité, comme une lueur d’espoir dans un monde désolé. Il tourbillonnait lentement, ses ailes se déployant avec une grâce presque irréelle, chaque battement accentuant la couleur vive qui contrastait avec les ombres environnantes.

Ménélis, les yeux fixés sur cette apparition hypnotisante, sentit une étrange attraction, comme si le papillon exerçait une force magnétique invisible. Ses yeux, brillants d’un éclat fiévreux, suivent chaque mouvement de cette étrangeté. Puis, ses pas, d’abord hésitants, suivent le papillon qui s’engouffre dans la forêt comme une séduction malveillante. Chaque pas résonne lugubrement sur les pierres tombales, comme un écho sinistre à travers le cimetière désolé. Le papillon, avec ses battements d’ailes hypnotiques, semble se jouer de l’irrépressible désir de Ménélis, et dans une danse sulfureuse, il invite indirectement à le rejoindre par-delà les frontières de ces arbres, planter tel des gardes impénétrable, gardant l’entrée d’un gouffre vorace caché dans l’ombre obsidienne.

Le papillon, comme conscient de l’effet qu’il produisait, s’insinue de plus en plus dans les entrailles de ce lieux inconnu. Il avançait lentement, presque en se jouant des lois de la gravité, comme pour inciter Ménélis à le suivre. Ses mouvements étaient calculés, chaque battement d’aile une invitation silencieuse à franchir le seuil interdit. Une aura sinistre semblait entourer ses ailes, et chaque éclat de rouge vibrant semblait se moquer des précautions des villageois.

Alors que Ménélis s’approchait de plus en plus, les ténèbres de la forêt semblaient se déployer, accueillant le papillon avec une soif palpable. Les arbres, aux troncs tordus et aux branches dénudées, se dressaient comme des géants sinistres, leurs ombres s’allongant comme des griffes prêtes attraper les imprudents. La brume légère qui émanait de l’intérieur de la forêt semblait presque respirer, exhalant un froid humide qui se mêlait à l’air.

Alors que Ménélis se rapproche de la forêt, un cri déchire le silence : Rozar apparaît, son visage blême comme celui d’un spectre et son livide. Il voit Ménélis avancer vers la forêt avec une détermination glaciale, son regard fixe, presque trance. Un cri, puis une voix retentit derrière « Ménélis. Reviens. Cette forêt… elle est maudite. » dit-il de manière factuelle et monotone, sans inflexion dans la voix ni expressions faciales. Rozar se trouvait là, près du cimetière où elle s’était posée il y a quelques minutes. Et dans ses bras il tient un Howl, une créature volante ressemblant à une chauve-souris, avec des ailes squelettiques et un corps émacié. Son visage est rond et presque aussi grand que la tête du jeune garçon, mais terriblement déformé, avec une bouche béante et de petits yeux sans vie. Il émet des hurlements stridents qui peuvent rendre fou quiconque les entend. Mais ce n’était pas des cris de terreur, de colère ou de douleur. C’était des cris mécanique, presque clinique, dépourvu de toute émotion. (Des hurlements si puissants qu’ils rendent sourd le jeune homme pendant plusieurs jours. Ses oreilles s’étaient mise à saigner et les bruits d’acouphènes nuit et jour, le rendait insomniaque.)

Mais les cris furent presque étouffé par l’étrange fascination qui enserrait Ménélis. Ses mouvements étaient lents, presque aussi légers qu’une plume qui virevolte au gré du vent, comme si elle était envoûtée par une volonté étrangère. Le papillon, tel un prédateur invisible, continuait de danser devant elle, chaque battement d’aile un piège subtil qui l’entraîne plus profondément dans les ténèbres.

La tension était palpable, une atmosphère lourde et menaçante flottant autour du papillon et de Ménélis. Les intentions cachées du papillon devenaient de plus en plus évidentes à mesure que la forêt se rapprochait. Il n’était pas simplement un spectacle de beauté, mais une entité insidieuse qui cherchait à engouffrer Ménélis dans son abîme.

Rozar, conscient du danger, tenta désespérément de tirer Ménélis de cette étreinte invisible, même au prix de sa propre vie.

Ménélis cligna lentement des yeux, comme si elle émergeait d’un rêve troublant. Mais elle était incapable de se détacher complètement de son emprise. Le papillon, comme un prédateur frustré, battait des ailes plus rapidement, déployant une lumière encore plus éclatante, essayant de regagner son emprise hypnotique.
Mais Rozar, voyant les premiers signes de lucidité chez Ménélis, intensifia son effort. Il se plaça devant elle, plongeant ses yeux dans les siens avec une intensité presque désespérée. « Tu ne peux pas aller par là. »

Les paroles de Rozar perçaient lentement la brume d’hypnose. Ménélis, encore haletante, sembla enfin réaliser l’absurdité de sa situation. Sa bouche s’ouvrit légèrement, comme si elle venait de se réveiller d’un cauchemar terrifiant. Ses yeux, maintenant désorientés et en pleine confusion, se détachèrent du papillon pour se fixer sur Rozar.

Le papillon, sentant son influence diminuer, se mit à battre des ailes frénétiquement, comme un animal pris au piège. Ses mouvements devenaient chaotiques, presque désespérés, tandis qu’il cherchait à fuir la lumière de la prise de conscience de Ménélis. Avec un dernier éclat de rouge incandescent, il se lança dans les profondeurs de la forêt, disparaissant dans l’obscurité croissante.

Ménélis, toute tremblante, se laisse finalement tomber dans les bras de Rozar. Sa respiration était rapide et saccadée, et ses yeux cherchaient encore à comprendre ce qui venait de se passer. La forêt, qui semblait se resserrer autour d’eux, perdait peu à peu sa menace immédiate à mesure que la présence du papillon s’éloignait.

Rozar, toujours aussi tendu, prit une profonde inspiration et murmura : « Nous devons partir maintenant et vite. » Il aida Ménélis à se redresser, la guidant loin de la lisière, tandis que les ombres de la forêt, un moment inquiétantes, semblaient reculer, laissant derrière elles un sentiment de répit fragile mais bienvenu.

L’étrange allure de la forêt, maintenant moins oppressante, ne faisait que souligner l’épreuve que Ménélis venait de traverser, et le danger latent qui continuait de rôder sous la surface d’une beauté trompeuse.

Le Chant de la Couleur

Ménélis vivait dans le village de Solyma, un lieu figé dans des nuances de blanc, de gris et de noir. Les maisons, vétustes et sinistres, se dressaient tel des mausolées silencieux. Leurs murs décrépits, marqués par le temps et l’abandon, reflétaient une désolation omniprésente. Une atmosphère lugubre enveloppait chaque recoin du village, comme une brume intangible mais palpable.

Le Soleil, Scorchbane, était une entité de terreur. Noir comme l’ébène, il avait un visage humain grotesquement étiré, ses yeux d’un blanc aveuglant brillants d’une intensité surnaturelle. Ses rayons semblaient vibrer et pulser, comme des tentacules noirs cherchant à saisir et consumer tout sur leur passage. La nuit, la Lune, Noktuk, prenait le relais. Sa surface était pâle et cicatrisée, illuminée par une lueur argentée. Ses yeux, grands et profondément noirs, évoquaient un vide terrifiant.

Les habitants de Solyma, figés dans leur morosité, se déplaçaient comme des fantômes. Ménélis, pourtant, brillait dans cette obscurité. Toujours souriante et pleine d’entrain, elle était une anomalie dans un monde uniformément gris. Ses rires clairs et ses concerts improvisés résonnaient dans les rues désertes, comme des éclats de lumière dans une mer sombre et visqueuse. Elle rêvait d’un monde plein de couleurs.

Mais sa joie était teintée de tristesse. Elle était seule, sans famille, sans amis. Les autres enfants la craignaient, la trouvant trop différente. Seuls quelques villageois, comme Rozar, son ami d’enfance, semblaient sensibles à sa solitude.

Un soir, alors que la Lune baignait le village de sa lumière glaciale, Ménélis se promenait près de la forêt interdite. Sa mère lui avait toujours interdit d’y aller, mais elle ressentait une force irrésistible l’attirant vers cette étendue sombre et mystérieuse.

Au cœur de la forêt, un papillon cramoisi, incandescent et vif, surgit comme une flamme dans l’obscurité. Ses ailes déployaient un rouge éclatant, ornées de motifs complexes semblables à des yeux éveillés. Ménélis, fascinée, le suivit, s’enfonçant de plus en plus dans la forêt.

La forêt s’animait autour d’elle. Des arbres se tordaient comme des spectres, des murmures et des chuchotements lui parvenaient des profondeurs. Elle était à la fois attirée et effrayée par cette beauté étrange et menaçante.

Le papillon la conduisit à une clairière cachée, au cœur de la forêt. Là, au milieu d’une lumière étrange et chatoyante, elle découvrit une source d’eau cristalline. L’eau brillait de mille couleurs, et un arc-en-ciel traversait la clairière, illuminant la forêt d’une lumière féerique.

Ménélis, émerveillée, comprit soudain la source de son désir de couleurs. Ce monde monochrome n’était qu’une illusion, une prison de son propre esprit. La forêt et ses créatures lui avaient montré la vraie nature du monde, un monde vibrant de vie et de couleurs.

Elle plongea ses mains dans la source d’eau, et sentit un pouvoir jaillir d’elle. Ce pouvoir, une énergie pure et vibrante, se propagea à travers son corps, lui permettant de contrôler les couleurs. Elle leva les yeux vers le ciel et vit Scorchbane, le Soleil noir, rayonnant d’une lumière sombre et oppressive.

Ménélis leva sa main et projéta un rayon de lumière blanche, une couleur pure et puissante, vers le Soleil noir. La lumière blanche s’enroula autour de Scorchbane, le transformant en un soleil brillant et chaud. Les rayons du soleil baignèrent le village de Solyma d’une lumière dorée, chassant les ténèbres et la morosité.

Les habitants du village, émerveillés par cette transformation, sortirent de leurs maisons. Ils regardaient Ménélis avec un mélange de crainte et d’admiration. Ils réalisaient enfin qu’ils étaient prisonniers d’une illusion, et que le monde pouvait être vibrant et plein de couleurs.

Ménélis, en utilisant son nouveau pouvoir, transforma le village de Solyma. Les maisons grises devinrent multicolores, les rues sombres devinrent des chemins fleuris, et la forêt, autrefois menaçante, devint un lieu paisible et enchanteur.

La nuit, la Lune, Noktuk, gardait sa pâleur, mais elle n’était plus menaçante. Ses yeux noirs ne semblaient plus vides, mais remplis d’une sagesse ancienne.

Ménélis, la fille des couleurs, devint la protectrice de Solyma, et ses concerts, remplis de joie et de lumière, résonnaient dans le village, symbole d’un nouvel espoir et d’un avenir radieux.

Le papillon cramoisi, sa mission accomplie, disparut dans la forêt, laissant derrière lui un monde transformé et une jeune fille aux yeux qui brillaient de mille couleurs. Elle n’était plus seule. Elle était la fille de Solyma, et elle avait ramené les couleurs du monde.